
Malgré les apparences, la démocratie sénégalaise apparaît comme un jeu de dupes. Après deux alternances réussies, les grands changements sont toujours attendus par le populations dont les préoccupations sont reléguées au second plan par des élites dirigeantes plus soucieuses de conserver leur pouvoir que de trouver des solutions à leurs problèmes existentiels .
Sommes-nous en démocratie ? Cette question mérite d’être posée car telle qu’elle est définie la démocratie signifie « forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple». Mais telle que vécue dans notre pays, la démocratie semble être la forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au chef et à ses affidés. Comme pour dire que le chef et son clan se taillent la part du lion tandis que le peuple de contente de la portion congrue. Pourtant on nous a toujours appris que la démocratie, c’est la confrontation libre des idées, l’expression libre des opinions, l’égalité des droits, la liberté de la presse etc. Mais au vu de ce qui s’est passé dans le pays, et continue de s’y passer, il est difficile de ne pas donner raison à Jacques Chirac lorsqu’il soutenait que «la démocratie est un luxe pour les Africains». De par leur comportement, nos dirigeants ont fini de trahir l’espoir de leur peuple tellement ils sont attachés à leurs privilèges et réfractaires à toute forme de réforme pouvant aider leur peuple à évoluer et à progresser.
Aujourd’hui le constat amer est que la vitrine de notre démocratie ne cesse de se fissurer. Les acquis obtenus après de hautes luttes sont en voie de se perdre du fait d’un manque de dialogue entre acteurs politiques. Le chef de l’État, faute de contre pouvoir peut agir à sa guise sans que cela ne prête à conséquence. Personne ne peut l’arrêter dans ses dérives et rien ne l’empêche de se muer en autocrate.
Quand le vin est tiré, il faut le boire a-t-on coutume de dire. Le Sénégal se targue d’être un pays de démocratie, donc il faut que les citoyens soient conséquents envers eux-mêmes en ayant le courage d’assumer leur choix quel qu’en soit le prix. Ce faisant ils se doivent de s’impliquer, de jeter un droit de regard sur ce que les dirigeants font en leur nom. Parce que quand on décide d’évoluer dans la cour des grands, on a plus le droit à l’erreur. Les Sénégalais doivent avoir confiance en eux et être plus exigeants envers leurs dirigeants, parce qu’ils ont su réaliser deux grandes alternances saluées à travers le monde malgré les tensions et les risques de chaos auxquels ils ont fait face. Ces deux alternances ont permis au peuple sénégalais de retrouver sa dignité et sa fierté.
Malheureusement aussi bien sous Wade hier que sous Macky Sall aujourd’hui, les fruits de l’alternance n’ont pas porté la promesse des fleurs du changement. Si les Sénégalais s’étaient battus pour faire évoluer les choses, ce n’était pas pour un changement d’hommes mais de système, de manière de faire. Mais le constat est que les hommes passent mais les mêmes tares demeurent. Le président continue toujours de concentrer tous les pouvoirs entre ses mains et les manipule à sa convenance. Une situation vécue sous Wade et qui a fini par exaspérer les citoyens qui ont fini par le congédier proprement. Aujourd’hui le président Sall qui est aux commandes était porteur de beaucoup d’espoir de son peuple qui attendait de lui qu’il fasse du pays un Sénégal de tous et pour tous. Mais il semble que cet espoir a fondu comme beurre au soleil et le clientélisme politique est toujours de rigueur.
De nos jours pour avoir un boulot, point n’est besoin d’être bardé de diplômes ou pétri de talent, il suffit seulement d’avoir un parent politicien haut placé pour être placé. Le culte du mérite n’est plus un critère valable. Et cette situation se vit actuellement au quotidien. Il suffit de faire un tour dans les ministères, les sociétés nationales surtout et autres pour se rendre compte du népotisme qui y règne. Des employés méritants, qui y ont effectué des années de bons et loyaux services voient du jour au lendemain des individus débarquer avec des avantages colossaux, tout simplement parce qu’ils ont un bras long qui les y a mis. Et le plus souvent ce sont des gens qui sont promus du fait de leur militantisme ou des liens de parenté qu’ils ont avec le boss.
Bref, pour dire que certains dirigeants ont tendance à favoriser l’ascension de leur famille ou de leur proches dans la hiérarchie qu’ils dirigent, au détriment du mérite et de l’intérêt général. Donc sauf à réinventer notre démocratie, le Sénégal risque de faire face à des lendemains troubles étant donné que le vase de frustration et de déception des populations risque de déborder si l’on y prend pas garde.
Abdou Sall